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Élection présidentielle 2017

Que se passe-t-il lorsqu’un électeur affiche ostensiblement pour qui il va voter dans le bureau de vote ?

Le principe du secret du vote

Les manifestations ostensibles d’opinion lors du déroulement du scrutin contreviennent au principe du secret du suffrage énoncé par l’article 3 de la Constitution et inscrit à l’article L. 59 du code électoral.

Les poursuites pénales en cas de non-respect

Est puni d’une amende de 15 000 euros et d’un emprisonnement d’un an ou de l’une de ces deux peines seulement quiconque aura, « par inobservation volontaire de la loi, (…) violé ou tenté de violer le secret du vote, porté atteinte ou tenté de porter atteinte à sa sincérité » (article L. 113 du c. électoral).

Si le coupable est « fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, agent ou préposé du gouvernement ou d’une administration publique, ou chargé d’un ministère de service public ou président d’un bureau de vote », la peine encourue est doublée.

Le juge judiciaire est souverain pour apprécier la gravité du comportement des électeurs, qui expriment leur intention de vote ou rendent manifeste le sens de leur vote, en fonction du contexte

Les conséquences sur le plan électoral

D’une manière générale, le non-respect du secret du vote peut entraîner l’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans un ou plusieurs bureaux de vote.

Le juge de l’élection apprécie l’influence, réelle ou potentielle, de la manifestation sur le déroulement du scrutin en vérifiant si elle a été de nature à porter atteinte à la dignité du vote ou à provoquer des désordres dans les bureaux de vote ou leur voisinage.

Le juge peut se montrer indulgent envers les attitudes strictement individuelles car le principe du secret du vote n’est pas opposable à l’électeur lui-même.

Par contre, les actions collectives ou « ententes préalables » d’électeurs destinée à faire connaître le sens de leur vote sont jugées comme une pression ou une manœuvre susceptible d’altérer la sincérité du scrutin, dans un bureau de vote.

La jurisprudence du Conseil d’État est ancienne et constante à ce sujet : 16 novembre 1888,  Montferrier ; 18 mars 1893, Étain ; 15 novembre 2004, Élections à l’assemblée de la Polynésie française [circonscription des îles du Vent], n° 268543).

Le Conseil constitutionnel adopte une position identique, par exemple, lorsque des personnes des revêtues de maillots dévoilant le sens du vote influencent le résultat du scrutin : décision n° 78-860, 12 juillet 1978, A.N., Guadeloupe, 2e circ., cons. 10 et 11 et n° 81-959, 9 octobre 1981, A.N., Wallis-et-Futuna.

En 2002, le Conseil constitutionnel a annulé les suffrages d’une commune pour les agissements du maire «annoncés et conduits par l’autorité même chargée des opérations électorales dans la commune », considérés comme «incompatibles avec la dignité du scrutin » et « de nature à porter atteinte au secret du vote ainsi qu’à la liberté des électeurs » (cf. décision du 8 mai 2002, Proclamation des résultats de l’élection du Président de la République, cons. 1).

Le président de chaque bureau de vote n’est pas seulement astreint à une obligation de neutralité lors du scrutin (cf. CE, 8 mars 2002, Élections municipales de la commune associée de Vairao, n° 236291) mais, en tant que détenteur du pouvoir de police du bureau de vote, il doit également veiller à ce que les opérations se déroulent dans l’ordre et la sérénité. À ce titre, il peut faire expulser de la salle de vote tout électeur qui troublerait le bon déroulement de la consultation. Il peut à cet effet requérir la force publique en vertu de l’article R. 49.

De plus, l’outrage fait par un électeur au bureau de vote ou à l’un des membres de celui-ci est passible des peines prévues à l’article L. 102. Il en est de même des voies de fait ayant retardé ou empêché les opérations électorales.